Une Cour d’Appel apporte une nouvelle illustration des dangers liés à l’évaluation des titres en cas de cession. Dans un arrêt en date du 15 octobre 2020, la Cour Administrative d’Appel de Nancy a qualifié de libéralité taxable la fraction du prix d’achat de titres auprès d’une société soumise à l’IS par une personne physique, qui est inférieure de façon significative à la valeur de ces derniers.
La cour a constaté l’intention du cédant d’octroyer une libéralité et, pour le cessionnaire, de bénéficier de celle-ci. L’écart de prix constaté a été taxé comme une rémunération occulte.
Une société civile cède 19,94% des titres d’une filiale à une personne physique (étrangère à la société cédante) au prix unitaire de 22,72€. L’Administration a réévalué la valeur unitaire des titres à 99,50€. L’administration a donc réintégré dans les bénéfices de la société cédante le montant de la minoration estimée. Et elle a regardé le cessionnaire comme le bénéficiaire d’une libéralité et donc d’un revenu distribué imposable à l’impôt sur le revenu sur le fondement de l’article 111 du CGI.
En 1ère instance, le Tribunal Administratif a rejeté les demandes du contribuable qui a interjeté appel. La Cour d’Appel de Nancy n’a pas suivi le contribuable et a confirmé le jugement de 1ère instance. La cour a estimé que :
- Le cessionnaire n’ayant pas répondu à la proposition de rectification, la charge de la preuve lui incombait intégralement
- Les cessions utilisées par le contribuable ne pouvaient pas servir d’éléments de comparaison dès lors que la 1ère était trop ancienne (plus de 2 ans) et la seconde concernait des parts ultra minoritaires. Seule la méthode d’évaluation de l’Administration a été retenue.
- Compte tenu du contexte général dans lequel la cession est intervenue au profit du cessionnaire (cadre dirigeant de la filiale cédée), l’intention d’accorder une libéralité est établie.
Cet arrêt n’est pas sans poser de questions.
Sur la charge de la preuve, tout d’abord. Rappelons qu’il est important de s’opposer aux propositions de rectification afin de ne pas se voir opposer un renversement de la charge de la preuve. A défaut, comme en l’espèce, il peut être difficile de combattre la présomption dont bénéficie l’Administration.
Sur la méthodologie utilisée pour l’évaluation des parts, il convient d’utiliser en priorité la méthode par comparaison. Mais il faut que les circonstances de la cession soient similaires. Et encore une fois, il est difficile pour le contribuable d’avoir accès à des données sur cessions de sociétés similaires, alors que l’Administration dispose de ces éléments. Ce qui revient encore une fois à se poser la question de la charge de la preuve. L’évaluation faite par les parties devra être justifiée en amont du dossier pour se préserver cette preuve.
Enfin sur l’intention libérale, l’appréciation de la Cour est discutable. Il n’y avait aucun lien de parenté entre cédant et cessionnaire, aucune fonction n’était exercée par le cessionnaire chez la société cédante, et aucune relation d’intérêt n’existait entre société cédante et le cessionnaire.
Cet arrêt nous rappelle qu’il faut faire preuve de vigilance dans la fixation du prix des cessions intrafamiliales, ou aux cadres des sociétés.
CAA NANCY 15 octobre 2020, n°19NC01349